« FEMMES » par Pharrell Williams : l'art au féminin et au pluriel
- Eleonore Bassop
- 13 avr.
- 3 min de lecture

Il y a d’abord ce nom : Pharrell Williams. Beaucoup viennent pour lui. Par curiosité, par fidélité, par amour de la pop culture. Mais ce qu’ils découvrent en poussant la porte de la galerie Perrotin à Paris risque bien de les surprendre.
FEMMES, c’est le titre. En lettres capitales, pluriel assumé. Une exposition dense conçue par Pharrell comme une ode aux artistes noirs, femmes pour la plupart, qui racontent le monde d’aujourd’hui avec leurs mots, leurs gestes, leurs matières. Pas une célébration nostalgique du passé, mais une plongée dans l’urgence du présent. L’exposition ne se veut pas un monument figé. Elle respire, elle pulse, elle écoute.
En entrant dans les salles, on est saisi par cette énergie hybride, entre tradition et innovation, qui traverse les œuvres exposées. Comme dans le roman Americanah de Chimamanda Ngozi Adichie, FEMMES relie les continents, les générations, sans jamais perdre de vue ce que c’est que d’exister aujourd’hui, dans un corps noir, dans un monde complexe.
Un tableau de Nina Chanel Abney vous saisit dès les premières minutes. Des formes vives, des couleurs qui explosent, une composition qui rappelle les jeux vidéo, les réseaux sociaux, les détournements de la culture numérique. L’esthétique visuelle a tout d’un clip. Et pourtant, ce que ça dit, c’est plus profond. On pense à la série She’s Gotta Have It de Spike Lee, où l’héroïne Nola Darling vit entourée d’artistes afro-américains contemporains (Kehinde Wiley, Amy Sherald…), les œuvres ici ne décorent pas. Elles racontent, elles questionnent, elles s’imposent.
Plus loin, les pièces textiles de Kenia Almaraz Murillo ressemblent à des cartes émotionnelles. Des patchworks brodés, colorés, denses, où l’intime se mêle au politique. On devine des histoires de migrations, de transmissions, de luttes aussi. Le textile devient armure, cri, affirmation.
Et puis, il y a les sculptures de Seyni Awa Camara, en terre brute, presque archaïques. Elles évoquent l’enfance, la maternité, les généalogies invisibles. Ce sont des totems discrets, solides. Dans une salle voisine, les collages de Malala Andrialavidrazana interrogent les archives coloniales et les récits dominants. Ils superposent cartes, portraits anciens, photographies déchirées. Une mémoire fragmentée, mais jamais effacée.
Dans la dernière salle, les sculptures de Kennedy Yanko, faites de métal froissé et de peinture coulée, évoquent une esthétique post-apocalyptique. On pense à la science-fiction de N.K. Jemisin, à des mondes brisés qui inventent de nouveaux codes de beauté. C’est peut-être ça, le vrai propos de FEMMES : montrer que l’art afro n’est pas seulement en train de rattraper l’histoire. Il est en train de créer l’avenir.
Ici, la pop culture n’est pas un habillage. Elle est un matériau, une langue. Elle est présente dans les formes et dans les références. Comme le cinéma de Barry Jenkins, comme les clips de Solange, comme les romans graphiques de Marguerite Abouet, FEMMES raconte ce qui arrive quand la culture noire prend le contrôle de sa propre narration.
Il ne s’agit pas de faire joli, il s’agit de faire sens. Et Pharrell, curateur inattendu mais sincère, prouve qu’on peut faire dialoguer le glamour et la profondeur, la forme et le fond, l’accessible et l’inédit. Avec cette exposition, il ne cherche pas à illustrer le passé. Il aide à inventer ce que pourrait être demain.
Infos pratiques
FEMMES – jusqu’au 19 avril 2025
Galerie Perrotin, 76 rue de Turenne, Paris 3e
Entrée libre.
Un conseil : prenez votre temps.
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