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« Trésors et secrets d’écriture » : un voyage à travers dix siècles de manuscrits

Exposition "Trésors et secrets d'écriture"                à la Cité internationale de la langue française,                       à Villers-Cotterêts
Exposition "Trésors et secrets d'écriture" à la Cité internationale de la langue française, à Villers-Cotterêts





























« Ceci tuera cela. Le livre tuera l’édifice », écrivait Victor Hugo dans Notre-Dame de Paris.

À Villers-Cotterêts, « c’est l’immatériel qui a protégé le matériel, c’est la langue qui est venue au secours de la pierre », explique Paul Rondin, directeur de la Cité internationale de la langue française.


Pour célébrer son deuxième anniversaire, la Cité internationale de la langue française, installée dans le château de François Iᵉʳ à Villers-Cotterêts, la ville d’Alexandre Dumas, accueille une nouvelle grande exposition : « Trésors et secrets d’écriture ».


Présentée du 5 novembre 2025 au 1er mars 2026, cette exposition réunit plus de cent manuscrits exceptionnels issus des collections de la Bibliothèque nationale de France, certains exposés pour la première fois depuis des décennies. Les commissaires Thomas Cazentre et Graziella Pastore y proposent un fascinant voyage à travers dix siècles de création, où la langue française se révèle tour à tour savante, poétique, intime et théâtrale.


Penser en français

Première escale de ce voyage dans le temps, la salle Penser en français illustre la lente conquête du français comme langue savante et instrument de pensée. On y découvre des manuscrits où la langue s’émancipe du latin pour dire le monde et la raison.


Le manuscrit de Jean-François Champollion, Grammaire égyptienne (1830-1832), synthèse ultime d’une vie de recherches, côtoie les Institutions de physique d’Émilie du Châtelet, pionnière de la vulgarisation scientifique, et les travaux de Sophie Germain, mathématicienne autodidacte qui dut publier sous pseudonyme masculin.


Les vitrines révèlent également la traduction d’Aristote par Nicolas Oresme, témoin du passage du savoir antique dans la langue française.


Ces manuscrits racontent une même aventure : celle du français devenu langue de la science, de la philosophie et de la curiosité intellectuelle. 


Peu à peu, la langue des savants cédera la place à celle des poètes et des conteurs.



La littérature avant l’imprimerie

Dans la pénombre de la salle suivante, les manuscrits médiévaux déploient toute leur splendeur matérielle : enluminures, parchemins, reliures et calligraphies révèlent une littérature née pour être récitée, chantée, transmise.


Parmi les joyaux exposés, la Chanson de Roland, épopée fondatrice de la langue française, fait écho aux Miracles de Nostre Dame de Gautier de Coinci, chef-d’œuvre de la poésie religieuse et musicale du XIIIᵉ siècle.


On s’émerveille aussi devant le Chansonnier cordiforme de Montchenu, manuscrit en forme de cœur exécuté vers 1475, symbole d’un amour courtois et d’un art de vivre raffiné à la veille de la Renaissance.


Au détour des installations, on croise la prose de Marie de Clèves, les récits chevaleresques de Chrétien de Troyes et les textes gouailleurs de François Villon.



Le brouillon littéraire

La troisième étape, sans doute la plus émouvante, nous plonge dans les coulisses de la création. Ici, l’écriture se fait combat : ratures, annotations, reprises, déchirures, salissures, autant de traces du geste de l’auteur.


Le visiteur peut contempler les brouillons de Gustave Flaubert pour L’Éducation sentimentale, ou ceux de Marcel Proust, constellés de ses fameuses paperoles, ces languettes de papier collées pour étirer encore le texte.


À leurs côtés, Victor Hugo, Alexandre Dumas, George Sand, Colette ou Louis-Ferdinand Céline dévoilent leurs manuscrits dans toute leur matérialité : pages saturées d’encre, marges griffonnées, hésitations fébriles.


L’exposition présente aussi le dossier préparatoire d’Emile Zola pour Pot-Bouille, le tapuscrit corrigé de Simone de Beauvoir pour La Force des choses, ou encore les pages noircies de Raymond Queneau pour Zazie dans le métro.


Et parce que la littérature est aussi engagement, on retrouve André Schwarz-Bart avec La Mulâtresse Solitude, roman-mémoire de la résistance à l’esclavage, et Édouard Glissant, dont Tout-Monde fait du manuscrit un espace d’interconnexion poétique et politique.



Écrire pour soi, écrire sur soi

Le quatrième temps de l’exposition explore l’intimité des auteurs et des anonymes : journaux, carnets, mémoires ou livres de raison témoignent de la naissance d’un nouveau rapport à soi.


Les carnets de Victor Hugo, rédigés pendant son exil à Bruxelles, s’exposent aux côtés du journal de Catherine Pozzi, traversé de poésie et de douleur, et du cahier de Paul Valéry, où se mêlent réflexions, croquis et fragments mathématiques.


On découvre aussi les Mémoires du duc de Saint-Simon, le Journal de Paul Claudel, ou encore l’extraordinaire Histoire de ma vie de Casanova, écrite en français à la fin du XVIIIᵉ siècle.


Ces pages racontent la lente démocratisation de l’écriture intime et le passage d’une langue de pouvoir à une langue du moi.



La correspondance

Enfin, l’exposition s’achève sur l’art épistolaire, cette autre manière de penser et d’aimer en français.


Des lettres codifiées du Moyen Âge aux correspondances passionnées des siècles modernes, les manuscrits réunis ici font entendre des voix à la fois savantes et sensibles.


Une lettre de Madame de Sévigné à sa fille Madame de Grignan conserve encore son cachet de cire ; Voltaire, dans une missive à Madame d’Épinay, déploie toute son ironie ; Jean Racine écrit à Boileau depuis la cour de Louis XIV ; Chateaubriand confie à Juliette Récamier ses derniers élans amoureux.


Plus près de nous, Albert Camus partage ses doutes avec son maître et ami Jean Grenier, Paul Morand adresse ses lettres amoureuses aquarellées à Hélène Soutzo, et Jacques Prévert transforme ses enveloppes en collages surréalistes et poétiques.


Autant d’auteurs qui rappellent que la lettre fut longtemps une œuvre d’art miniature et un prolongement de la littérature.




Quand la langue devient mémoire

En réunissant ces trésors et secrets d’écriture, la Cité internationale de la langue française poursuit sa mission : célébrer la langue non seulement comme outil de communication, mais comme trace vivante du génie humain. Elle rappelle que chaque mot écrit est un témoignage d’histoire, une empreinte laissée par celles et ceux qui font vivre le français.



Exposition « Trésors et secrets d’écriture »

📍 Cité internationale de la langue française, Château de Villers-Cotterêts

🗓 Du 5 novembre 2025 au 1er mars 2026



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